De nombreuses rivières françaises sont aurifères ; ça commence à se savoir vu l’engouement pour l’orpaillage depuis quelques années. Moins connue est la prospection de pierres précieuses. On vous emmène en Auvergne à la recherche de saphirs dans un petit cours d’eau qui colorera nos flacons et pipettes de mille et une couleurs et ce en à peine quelques heures. Ceci est un résumé de l'article est paru dans le n°1 de Trésors le magazine des Fouilleurs: on vous explique quel matériel utiliser et la meilleure technique pour trouver des saphirs, le tout avec une belle vidéo visible ci-dessous !

L’Auvergne, terre de volcans

Certains minéraux se forment à partir de matières en fusion au cœur de la terre ou se développent au sein des laves ; les éruptions les remontent à la surface terrestre. La formation des saphirs s’effectue entre 620° et 670°. En 2016 un important gisement de saphirs a été découvert dans le Puy-de-Dôme près d’Issoire. Leur origine serait liée à l’éruption d’un volcan sous-marin qui aurait par la suite subi une très longue phase d’érosion par un glacier. Ces particules arrachées au volcan se seraient retrouvées dans les cours d’eau auvergnats. Compte tenu de leur nombre, les chercheurs n’ont pas pu encore déterminer avec certitude leur origine. Nous savons simplement qu’ils sont là et qu’il s’agit du plus important gisement de saphirs en Europe. Même si nous ne connaissons pas l’endroit de ce gisement, pourquoi ne pas partir, nous aussi à la recherche de saphirs. 

Compte tenu de la richesse géologique de la chaîne des Puys et de ses 80 volcans qui s’étendent sur 32 km de long et 4 km de large, nous avons peu de chance de revenir bredouille. Dans le pire des cas, nous ramènerons bien dans notre escarcelle un peu d’or et nous aurons passé un bon moment les pieds dans l’eau en compagnie de passionnés d’orpaillage et de minéraux.

Il y a 1 an, j’ai fait la rencontre de Pierre, qui manie à la fois détecteur de métaux et battée. Avec son groupe d’amis, il a découvert quelques filons dont il me vantait les qualités. Il a donc organisé une expédition au cours de laquelle 15 personnes ont pu s’adonner à la recherche de pierre précieuses et semi-précieuses. J’ai eu la chance d’y être convié.

De quoi a t’on besoin pour traquer le saphir en rivière ?

Première question : a t-on le droit de pratiquer cette activité en France ? Comme pour l’orpaillage, la réponse 

est oui, mais à condition de respecter certaines règles définies par le code minier et de l’environnement. 

Point essentiel, la recherche doit se faire dans un but de loisir et ne pas amener à une exploitation commerciale. Ainsi les moyens utilisés doivent être traditionnels : un tamis, une rampe, une pelle et bien entendu pas d’engins mécaniques (drague, pelle mécanique et autres pompes électriques). 

Hélas, certains départements ont pris des arrêtés limitant la pratique de l’orpaillage dans certains cours d’eaux voire plus rarement sur tout leur territoire. La majorité des départements tolère cette pratique à condition d’en faire la demande. Attention, il existe une saisonnalité pour cette activité qui en Auvergne prend fin au 31 octobre. 

Tous les amateurs conviés à ce week-end ont donc déposé une demande en ligne sur le site démarches simplifiées auprès de la préfecture Auvergne-

Rhône-Alpes. La démarche n’a requis que 5 minutes, et j’ai même pu inscrire le nom de quelques accompagnants. Il m’a suffi d’indiquer les cours d’eau que je souhaitais prospecter et les dates ; j’en ai listé plusieurs et ai indiqué vouloir pratiquer pendant toute la saison 2023. La demande a été acceptée en quelques jours. 

Si vous vous y prenez un peu tard, un récépissé de déclaration vous est fourni une fois le formulaire rempli. Il attestera de votre bonne foi en cas de contrôle si vous n’avez pas encore reçu la réponse. Rassurez-vous, si vous n’effectuez pas de recherche sur des secteurs classés au titre de la protection du biotope ou en 1re catégorie piscicole, votre dossier passera comme une lettre à la poste. Vous devrez toutefois vous engager à ne pas recourir à des substances chimiques, tels le mercure ou le cyanure, à remettre le lit du cours d’eau prospecté dans son état initial en fin d’activité, à obtenir l’accord préalable des propriétaires riverains lors de recherches dans un cours d’eau non domanial et à vous assurer que le site n’abrite aucune espèce sensible (crapauds, tritons, écrevisses…) ni de frayère. Il s’agit donc de règles élémentaires peu contraignantes.

Quel matériel utiliser ?

L’orpaillage, c’est à dire la recherche d’or, requiert une bonne compréhension de la dynamique des fluides qu’un matériel adapté à chaque environnement. Pour ce qui est de la recherche de pierres précieuses, le matériel requis est plus rudimentaire. Tamis et pans suffisent. Toutefois, à l’occasion de cette sortie, nous avons décidé de tester plusieurs rampes et tapis parmi lesquelles les 3 tailles de rampes en plastique Caledonian ainsi que notre rampe en inox Le Fouilleur équipée d’un tapis Dream Mat.

Outre les indispensables seaux et larges pelles, l’élément clé est le tamis. Nous vous conseillons l’utilisation de larges et robustes tamis comme le ProGold de Minelab. L’idéal est d’employer plusieurs tamis de maillage différents ou bien le tamis vert Goldblitz qui dispose de 2 grilles de mailles de diamètre distinct. Évitez les petits tamis des kits d’orpaillage bas de gamme qui casseront assez rapidement.

Pour ce qui est des pans nous vous conseillons de ramener des battées de plusieurs tailles et couleurs. En effet, selon la couleur il est plus facile de repérer certaines gemmes ou débris aurifières. La couleur qui fait contraste le mieux avec l’or est le bleu ; le vert quant à lui est la couleur polyvalente par excellence alors que le noir permet de faire disparaitre visuellement le sable noir plus dense et magnétique synonyme de couche intéressante à prospecter. La plupart du temps vous traiterez votre concentré avec un pan de taille de standard (30 à 40 cm) ; utiliser un pan plus petit, également appelé pan de finition comme le Minelab 25 cm contenu dans le kit ProGold, vous permet de traiter de plus petites quantités mais plus rapidement et facilement. Ces petits pans sont plus adaptés aux enfants et aux débutants.

Pour retenir les pierres précieuses mieux vaut un tapis utilisant des “riffles” ces lames présentes sur la rampe Caledonian ainsi que sur la plupart des célèbres tapis Goldhog. Plus la “riffle” est haute, plus sa propension à capturer des pierres précieuses sera élevée. Voilà pourquoi nous avons également éprouvé le FlowPan de Goldhog, hybride entre une rampe et un pan, car il comporte un tapis à grosse riffle. Les tapis et rampes DreamMat ont permis de laver de grande quantité, mais de part la forme brevetée en double U de leurs pièges, la captation n’a pas été optimum par rapport à la vitesse ou les pièges s’engorgeaient. Les rampes Caledonian ont donné d’excellents résultats permettant un appréciable gain de temps. Elles ont éliminé sables et débris peu denses grâce au courant capturant au passage les gemmes plus denses. Au final, elles ont limité les quantités de concentré à traiter dans les tamis.

La meilleure technique pour trouver des saphirs

Pierre a pu tester plusieurs matériels et techniques. Voici pour lui la méthode qui donne les meilleurs résultats, méthode que nous avons adoptée lors de la sortie. Cette technique est très simple et compréhensible par quelqu’un qui n’a jamais orpaillé de sa vie. Commencez par constituer 3 groupes. Le premier va creuser le lit de la rivière ; chaque pelletée prend la direction d’un premier tamis à large maille. Là, un membre du groupe retire au fur et à mesure les plus grosses pierres et tamise. Les graviers tombent dans le tamis du dessous ; d’où l’intérêt d’utiliser plusieurs tamis de maillages différents ou un double tamis. Sous ces tamis disposez un seau pour récupérer les éléments les plus fins. Submergez le tout et tamisez vigoureusement. Une fois le tamisage satisfaisant, c’est à dire une fois les cailloux éliminés, amenez le contenu du plus petit tamis et du seau à un 2e groupe plus expérimenté. C’est là que l’opération la plus délicate a lieu.

En effet, il va falloir concentrer une dernière fois les éléments les plus denses dont le sable noir au centre du tamis le tout en utilisant le courant pour vous aider. Pour cela, placez vos mains de chaque coté du tamis et secouez de haut en bas ce dernier, puis tournez le tamis de 90° et répétez la manœuvre. Au bout d’un tour, si tout s’est bien passé, un petit monticule s’est constitué au centre du tamis. Il est alors temps de retourner le tapis comme une crêpe sur la berge. Si l’opération est couronnée de succès, alors vous verrez moult billes noires au centre du contenu retourné. Vous pouvez utiliser un aimant d’orpaillage pour éliminer le sable noir magnétique superflu. C’est cette zone noire qu’il va vous falloir explorer.

C’est la que le 3e groupe intervient. Ce dernier va localiser les saphirs, grenats et autres quartz au milieu du sable noir et les récupérer à l’aide d’une pince à épiler. Un bon œil suffit, mais n’hésitez pas pour augmenter le contraste à disposer le sable noir et la couche supérieur du tamis fraîchement retourné sur un couvercle en plastique blanc. Certains membres de l’équipe ont tout simplement fait le choix de prendre cette couche supérieure en main, utilisant le contraste de leur peau pour distinguer d’éventuelles trouvailles intéressantes.

Vous souvenez vous qu’on a conservé dans le seau les éléments les plus fins (sables, graviers fins passés à travers les mailles des tamis). Il est temps de vider le seau directement dans un pan et de se débarrasser des éléments les moins denses comme vous le feriez pour une recherche d’or classique. Vous pouvez également utiliser la rampe Caledonian pour aller encore plus vite dans cette phase de nettoyage.

La technique du tamis retourné présenté par Pierre est la plus efficace. Toutefois, vous pouvez également verser le contenu du tamis dans plusieurs pans ou dans une rampe pour procéder à un tri plus méticuleux qui ne laissera passer aucun petit débris de gemme.

Propriétés des saphirs

Le saphir est une variété de corindon qui peut présenter de multiples couleurs : bleu, rose, jaune, violet ou vert. La variété bleue est évidemment la plus connue. Le saphir rose-violacé ou rose-orangé est le plus recherché. Le saphir est la seconde pierre la plus dure après le diamant, elle est classée 9 sur 10 sur l’échelle de dureté de Mohs. À titre de comparaison la dureté d’un ongle est de 2, celle d’une pièce d’1 euro est de 3, celle d’une lame d’un couteau de 5, celle d’un verre à vitre de 5.5, et celle d’une lime en acier de 6.5.

Les saphirs sont constitués de cristaux d’oxydes d’aluminium (Al2O3) contenant des impuretés (oxydes) en traces, c’est ce qui leur donne leur couleur (titane et fer pour le bleu). La densité du saphir s’étale de 3.95 à 4.03. L’or a une densité de 19.3 et le sable de rivière une densité de 1.7 : voilà pourquoi la technique de Pierre consistant en un tamisage par secousses légères de haut en bas tout en tournant afin de créer des tourbillons est la meilleure car elle limite le risque d’éjecter des saphirs qui sont bien moins denses que l’or. De même, si vous utilisez une rampe, privilégiez un courant léger si vous ne voulez pas voir ces gemmes s’échapper avec le sable en bout de rampe ! 

Que faire de nos saphirs ?

Après 5 heures de tamisage, le résultat est plus que convaincant avec 220 pierres précieuses et semi-précieuses trouvées : saphirs, olivines, grenat mais également quartz. La plupart ont été trouvés dans le tamis qui au final n’ont laissé passé que des petits spécimen dans le sceau. Lors d’une précédente sortie Pierre avait trouvé un petit peu d’or. Ce ne fut hélas pas le cas pour nous. Nous étions 14 dont 6 personnes dédiées au tamisage ; seules 3 personnes avaient un peu d’expérience. Les saphirs trouvés sont de petite dimension et hélas inexploitables en joaillerie. Il est très rare d’ailleurs de trouver des saphirs de plus de 1 carat dans la région. Ils sont par contre d’une très jolie couleur bleue ou bleu-vert naturelle. À contrario certains saphirs en provenance de l’étranger sont quant à eux traités ou chauffés pour accentuer leur éclat. Ceci s’explique par le fait qu’un saphir d’Auvergne sur 10 est pur alors que dans d’autres pays comme le Sri Lanka seul un pour 100 est pur, voir un pour mille pour Madagascar. Un cours d’eau non loin a quant à lui accouché de spécimens plus gros mais moins colorés. Ce sera l’occasion pour nous de vous les présenter lors d’un prochain article. Au final, nous nous sommes partagés notre butin aux milles couleurs en nous promettant de renouveler l’expérience et  de tous nous retrouver au plus tôt.